dagboek van mijn laatste jaar
dagboek van mijn laatste jaar
2010/11
“Ceux auquels sera confiée la fonction de juge ne devront avoir d’autres marques de distincton que leurs vertus, leur talent et leur intégrité... Ils ne doivent être assujettis à un costume, ni à un uniforme offensants pour les hommes libres” - une pétition reçue par le Comité de Constitution du 13 août 1790 citée dans l’ Antimanuel de droit (E. Pierrat; éd. Bréal 2007). Evidemment, l’histoire sera finalement bien différente...
Freddy Evers témoignera d’une telle allergie à la toge qu’il la mettra, après sa retraite récente, en vente sur ebay - vainement, même pour un seul €....
Freddy voit loin: il veut éviter à tout prix qu’on drape un jour son cercueil avec sa toge... une horreur posthume à ses yeux. Mais au fond, son raisonnement est toujours le même: la toge inspire au simple citoyen surtout un amalgame - si non une conspiration - entre les avocats et le magistrat. Finalement, elle rend le magistrat presque suspect, au lieu de l’élever.
Freddy n’est pas le premier à se montrer récalcitrant à cette association vestimentaire. Albert De Gryse, éminence grise de Roeselare me rappelait peu avant sa mort que lors de la rédaction du (Premier) Code Judiciaire de 1967, les juges sociaux - pris du nouvel élan de l’époque - annoncaient leur refus de porter la toge dans les nouveaux tribunaux de travail (jusqu’à lors les Conseils de Prud’hommes, comme maintenant encore en France). Cela embêtait bien le Ministre de la Justice, qui ne réussit à les convaincre d’une attitude “plus digne du tribunal”, jusqu’à ce que Albert De Gryse lui soufflait cette idée malicieuse: “Il faut leur proposer un article dans le Code Judiciaire, leur interdisant (!) de porter la toge”. La résistance des juges sociaux s’arrêta de suite.... L’appel à la coquetterie et l’amour propre avait gagné sur les barricades des principes du futur Mai 68...
Dans sa proposition de loi du 6.10.1999, Claude Eerdekens soulignait les origines Bonapartistes de “la messe rouge” pour conclure qu’il “est frappant de constater qu’historiquement, le port de la robe pour les magistrats, loin de constituer le symbole de leur indépendance (...) représente plûtot celui de leur soumission au pouvoir exécutif”.
A Roeselare, le juge de paix étant le seul à porter la toge, la confusion que craint Freddy Evers ne peut avoir lieu. Ma robe est - sauf détails - celle avec laquelle j’ai prêté serment comme avocat en 1976. Je me sens bien dans cette version été, donc ‘light’, et je ne crois point qu’elle fasse peur au justiciable: ce que je lui dis ou demande, est infiniment plus important que ce que je porte: une veste Hugo Boss ne serait pas forcément plus égalitaire...
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Ceci dit, si elle ne fait pas grand tort et ne me gêne pas, j’ai de plus en plus de doutes sur son utilité, certainement pour les juges de paix.
Nous sommes “en civil” pour les malades mentaux, des personnes à protéger dans le cadre de l’Administration Provisoire, l’autorité parentale... et pour toute descente sur les lieux.
Et puis miracle: en civil, jeans ou imperméable, casquette ou chapeau, lunettes de soleil ou parapluie, on ne manque pas d’autorité... et nul ne doute pas plus de notre indépendance et notre impartialité.
En plus, il y a déjà les coutumes “contra legem” des avocats: à Roeselare, ils ne portent pas de toge comme dans toute salle de justice de paix hors des sièges de “grands tribunaux”.
Il s’agit d’une “tolérance”, contraire à l’art. 441 C.J. Alors, on se demande bien quel argument solide s’opposerait à une dérogation similaire pour le juge de paix à l’article 353 C.J., qui le concerne.
L’Union Royale des Juges de Paix (et de Police) a une tradition de se démarquer des autres juges, présumés plus éloignés du justiciable, et j’admets bien que’il ne s’agit pas que du marketing stratégique.
Ne serait-il alors en 2010, enfin l’heure d’intégrer dans ces deux articles du C.J., tant les coutumes existantes pour les avocats, que l’exception pour le juge de paix? Ce ne serait que confimer le lien étroit entre ce juge de proximité par excellence, et ses concitoyens, qui se présentent d’ailleurs souvent en absence de tout avocat.
Le temps est bien révolu ou l’habit faisait le moine.... (implicitement reconnu dans l’arrêt de la Cour de Cassation du 12 03 2010 (voir à ce sujet E. Brewaeys dans De Juristenkrant du 23 06 2010: ‘De kleren maken de rechter m/v’). ). Le justiciable de 2010 est encore rarement impressionné par un décor, mais si c’est le cas, nous avons de très bonnes raisons pour combler ce fossé.
La proposition de loi du 23.01.1997 de Dany Vandenbossche (en reprenant celle de Luc Van den Bossche de 1985) soulignait l’obstacle culturel du cérémonial judiciaire: “il contribue à dissuader le citoyen de s’adresser au juge plutôt que de l’y encourager” . Plus récemment, et suite à un voyage d’étude au Canada de la Commission de la Justice de la Chambre, une proposition de résolution du 6.05.2009 relative “à une amélioration de l’organisation judiciaire” rappelait que “les juges doivent également pouvoir pratiquer la médiation, retirer leur toge....”.
2010 est l’année Européenne pour la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Une justice contemporaine n’a pas à impressionner, mais à protéger.
La toge n’impressionne depuis longtemps plus que les faibles, pas les forts, plus que les pauvres, et pas les fortunés.
La communication ne passe pas par l’éloignement ou l’intimidation. Elle passe surtout par le dialogue et le respect. La justice du juge de paix ne passe pas par l’autorité, mais par la volonté de comprendre, et de réparer.
Au contraire, le juge sans toge sera peut-être plus amené à faire cet effort de l’écoute, que de ce piédestal vestimentaire, que la toge risque toujours inconsciemment lui créer: c’était quasi la thèse de Brigitte Degeest (VUB) qui dans une excellente contribution (cliquez ici pour De Juristenkrant 25 03 2009: ‘Vrouwe Justitia in haar hemd gezet ?’) posait la question rhétorique: “wordt met de toga de inhoud van het argument niet schatplichtig aan de vorm ervan ?”
Je crois d’ailleurs avoir une destination future pour mon plus ancien outil de travail. Dans l’ancien village circulaire Audois, dont la côte acceptera un jour mes cendres j’espère, il existe un Tribunal de Prud’hommes Pêcheurs., qui ne siège jamais en toge, sauf pour participer à la procession annuelle de la Fête de St. Pierre, patron des pêcheurs, illustrée sur la fresque en face de leur siège. Feu Marie-Rose Taussac, historienne de ce petit mais fier tribunal, m’a appris que les prud’hommes empruntent alors pour l’occasion les toges des avocats de Narbonne.
Comme quoi ma toge pourrait encore longtemps rendre service... chaque 29 juin...
Wat u vast niet gemist hebt - Ce que vous n’avez certainement pas râté - You didn’t miss this one did you ?
09 09 2010 Onderzoeksrechter Garzon zélf voor de rechter (De Redactie - VRT)
09 09 2010 M & M: Justitie moet Belgisch blijven
Voor toga’s ;-) op You Tube: klik hier
A quote a day, keeps the doctor away ;-)
“Want dat is schrijven: je graaft een gat, ontdekt iets vreemds en speciaals, en je wilt almaar dieper”
Haruki Murakami, in De Morgen, Zeno, van 04 09 2010
Photo: Fresque en façe du Tribunal des Prud’hommes Pêcheurs à Gruissan (Aude, France)
adieu a nos toges !
10 september 2010
Une justice contemporaine n’a pas à impressionner, mais à protéger.