Questioning Justice
Questioning Justice
2012/13
Oswald Baudot fut substitut du procureur de la République à Marseille. En Août 1974 dans un texte qui devint pour l’histoire ‘L’ harangue d’ Oswald Baudot’, il “interroge ses collègues sur leurs préjugés inconscients et les invite à corriger, dans leurs décisions, les déséquilibres induits par les hiérarchies sociales” (Quote of Wikipedia)
Il sera convoqué le 28 janvier 1975 devant le Conseil Supérieur de la Magistrature qui proposa au ministre de la Justice (en France: le garde des Sceaux, que le Canard Enchaîné transforma pendant l’ère Rachida Dati en ‘Garde des seaux de champagne) de lui infliger une réprimande. Finalement le ministre, devant l’indignation générale, s’en abstiendra prudemment pour de fort bonnes raisons.
Demain démarre l’année judiciaire, ce premier lundi de septembre. A Anvers/Antwerpen, au parquet ce ne sera pas la joie. En France, la Garde des Sceaux actuelle, Christine Taubira vient de subir un malaise pendant une allocution à Bordeaux à l’Ecole de la Magistrature. Lieu très symbolique pour la Belgique, car nous n’en avons pas. Souhaitons à Mme Taubira bonne santé et bon courage, car il lui en faudra. Car elle réfléchit à un autre approche de la prison et de la sécurité, et donc à une justice authentique et efficace, sans tambour ni trompette (ni affiches). Donc digne de son devoir. Donc moins facile que de continuer dans les sentiers battus de la démagogie.
Avec le courage et l’audace comme ce substitut Baudot, qui, comme d’autres, loin du haut de la pyramide de cette justice hautaine, ont eu le courage de se lever, et de le dire en ces mots légendaires ou d’autres :
« (…) En entrant dans la magistrature, vous êtes devenus des fonctionnaires d’un rang modeste. Gardez-vous de vous griser de l’honneur, feint ou réel, qu’on vous témoigne. Ne vous haussez pas du col. Ne vous gargarisez pas des mots de troisième pouvoir, de peuple français, de gardien des libertés publiques, etc.
On vous a dotés d’un pouvoir médiocre : celui de mettre en prison. On ne vous le donne que parce qu’il est généralement inoffensif. Quand vous infligerez cinq ans de prison au voleur de bicyclette, vous ne dérangerez personne. Evitez d’abuser de ce pouvoir.
Ne croyez pas que vous serez d’autant plus considérables que vous serez plus terribles. Ne croyez pas que vous allez, nouveaux saints Georges, vaincre l’hydre de la délinquance par une répression impitoyable.
Si la répression était efficace, il y a longtemps qu’elle aurait réussi. Si elle est inutile, comme je crois, n’entreprenez pas de faire carrière en vous payant la tête des autres. Ne comptez pas la prison par années ni par mois, mais par minutes et par secondes, tout comme si vous deviez la subir vous-mêmes.
Il est vrai que vous entrez dans une profession où l’on vous demandera souvent d’avoir du caractère mais où l’on entend seulement par là que vous soyez impitoyables aux misérables. Lâches envers leurs supérieurs, intransigeants envers leurs inférieurs, telle est l’ordinaire conduite des hommes. Tâchez d’éviter cet écueuil. On rend la justice impunément : n’en abusez pas.
Dans vos fonctions, ne faites pas un cas exagéré de la loi et méprisez généralement les coutumes, les circulaires, les décrets et la jurisprudence. Il vous appartient d’être plus sages que la cour de cassation, si l’occasion s’en présente. La justice n’est pas une vérité arrêtée en 1810. C’est une création perpétuelle. Elle sera ce que vous la ferez. N’attendez pas le feu vert du ministre ou du législateur ou des réformes, toujours envisagées. Réformez vous-mêmes. Consultez le bon sens, l’équité, l’amour du prochain plutôt que l’autorité ou la tradition.
La loi s’interprète. Elle dira ce que vous voulez qu’elle dise. Sans y changer un iota, on peut, avec les plus solides attendus du monde, donner raison à l’un ou à l’autre, acquitter ou condamner au maximum de la peine. Par conséquent, que la loi ne vous serve pas d’alibi.
D’ailleurs vous constaterez qu’au rebours des principes qu’elle affiche, la justice applique extensivement les lois répressives et restrictivement les lois libérales. Agissez tout au contraire. Respectez la règle du jeu lorsqu’elle vous bride. Soyez beaux joueurs, soyez généreux : ce sera une nouveauté !
Ne vous contentez pas de faire votre métier. Vous verrez vite que pour être un peu utile, vous devrez sortir des sentiers battus. Tout ce que vous ferez de bien, vous le ferez en plus. Qu’on le veuille ou non, vous avez un rôle social à jouer. Vous êtes des assistantes sociales. Vous ne décidez pas que sur le papier. Vous tranchez dans le vif. Ne fermez pas vos coeurs à la souffrance ni vos oreilles aux cris.
Ne soyez pas de ces juges soliveaux qui attendent que viennent à eux les petits procès. Ne soyez pas des arbitres indifférents au-dessus de la mêlée. Que votre porte soit ouverte à tous. Il y a des tâches plus utiles que de chasser ce papillon, la vérité, ou que de cultiver cette orchidée, la science juridique.
Ne soyez pas victime de vos préjugés de classe, religieux, politiques ou moraux. Ne croyez pas que la société soit tangible , l’inégalité et l’injustice inévitables, la raison et la volonté humaine incapables d’y rien changer.
Ne croyez pas qu’un homme soit coupable d’être ce qu’il est ni qu’il ne dépende que de lui d’être autrement. Autrement dit, ne le jugez pas. Ne condamnez pas l’alcoolique. L’alcoolisme, que la médecine ne sait pas guérir, n’est pas une excuse légale mais c’est une circonstance atténuante. Parce que vous êtes instruits, ne méprisez pas l’illettré. Ne jetez pas la pierre à la paresse , vous qui ne travaillez pas de vos mains. Soyez indulgents au reste des hommes. N’ajoutez pas à leurs souffrances. Ne soyez pas de ceux qui augmentent la somme des souffrances.
Soyez partiaux. Pour maintenir la balance entre le fort et le faible, le riche et le pauvre, qui ne pèsent pas d’un même poids, il faut que vous la fassiez un peu pencher d’un côté. C’est la tradition capétienne. Examinez toujours où sont le fort et le faible, qui ne se confondent pas nécessairement avec le délinquant et sa victime. Ayez un préjugé favorable pour la femme contre le mari, pour l’enfant contre le père, pour le débiteur contre le créancier, pour l’ouvrier contre le patron, pour l’écrasé contre la compagnie d’assurance de l’écraseur, pour le malade contre la sécurité sociale, pour le voleur contre la police, pour le plaideur contre la justice.
Ayez un dernier mérite : pardonnez ce sermon sur la montagne à votre collègue dévoué.
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You Tubes of the Day:
Le substitut du Procureur de la République, Oswald Baudot
Afscheid op het vredegerecht, 31 08 2011
Afscheidsinterview in Villa Vanthilt 04 08 2011
M’n rondleiding in het vredegerecht:
‘Het huis van steen en wolken’
‘Beslissing is juridisch correct’
(interview J. Nolf VTM Het Nieuws 2012 07 31)
Photo of the day:
I passed this little town in France on the Départementale 930 today,
and its citizens can’t help about the name.
But quite a problem for many of our magistrates ?
Press of the day:
2012 09 01 ‘Antwerpse diamantoorlog escaleert’ (De Tijd)
2012 08 20 La révolution Taubira contra la récidive (Le Monde)
2012 08 20 Le système:”un drame une loi” (Libération)
2012 08 17 ‘Justice enfin à Christiane Taubira !’ (Le Monde)
2012 01 14 ‘PG Liégeois zou beter opstappen en Turtelboom
heeft een beginnersfout gemaakt (fraudejager Anthonissen in DS)
2012 01 12 ‘Turtelboom vraagt documenten ‘Diamantgate’ op’ (HLN)
2012 08 29 ‘Michèle Martin, porteuse d’espoirs’ (edito Le Vif)
Ma lettre à Michèle Martin, pour ce jour, et pour demain
(sur Le Vif/L’Express 28 08: lien ici).
M’n brief aan Michèle Martin, voor vandaag en vooral voor morgen
2012 08 15 ‘Open brief aan Paul Marchal’ (J. Nolf in Opinie
2012 08 15 ‘Belgisk ilska över frigivning’ (interview J. Nolf
2012 08 15 ‘Open Brief aan Paul Marchal’ (M’n opinie in VRTDeRedactie)
2012 08 02 ‘Journalisten te emotioneel over vrijlating
M. Martin (Prof. Leo Neels in Knack)
2012 08 04 ‘Amateurisme tekent de vrijlating van Martin’ (Peter Adriaenssens, Opinie in DM)
2012 08 02 ‘Niet dezelfde vrouw ?’ (gerechtspsychiater Johan Baeke in Opinie DS)
2012 07 31 ‘Vrijlating M. Martin: revolte of rechtstaat ?’
2012 07 30 ‘Michèle Martin: moet haar naam gewist worden ?’
2012 07 28 ‘De ‘kruistocht’ waarmee Paul Marchal dreigt,
neigt naar stalking’ (Opinie J. Nolf in DM)
2012 07 25 ‘Iedereen gelijk voor de wet ?’ (Opinie J. Nolf op VRT De Redactie)
2012 07 25 ‘We hebben niet genoeg geduld met jonge mensen’ (Prof. Lode Walgrave in Knack)
2012 07 25 ‘Why we should defend WikiLeaks’ Mathew Ingram GIGACOM & Bill Keller NYT)
2012 07 25 ‘Voormalige Spaanse toprechter Garzon verdedigt Assange’ (DS)
Quote of the day:
“Je kunt de vijand niet als mens zien, want dan begin je over alles na te denken. Je gaat naar de oorlog om de vijand uit te schakelen”
Lucas, 69 jaar, ex-kolonel in Tanzania, en ondertussen jurist en relatiebemiddelaar in De Morgen, Zeno van 04 08 2012.
“Ik voelde me altijd geruggensteund door de uitspraak van B. Russell dat de minderheid van vandaag de meerderheid van morgen kan zijn.”
Vrederechter Freddy Evers, toespraak bij aanvaarding Prijs voor Mensenrechten, Liga 2009
Poem of the day:
“ Neutralité cet instant
comme un centre égalisant un peu
jusqu’à rien ce que je connaissais encore
et ce que je connaissais déja
Non le noeud mais le nu
entre les atteintes de l’avenir
et les costumes du passé
seulement instant cette absence
...
Afzijdigheid dit ogenblik
als een middelpunt dat
wat ik nog kende
en wat ik reeds ken
een beetje in evenwicht brengt
Niet het kluwen maar het naakte
tussen de inbreuken van de toekomst
en de vermommingen van het verleden
dit ogenblik enkel afwezigheid”
Christian Dotremont, ‘Chronique’ (uit ‘Ceci n’est pas une poésie’, Een Belgisch-Franstalige Anthologie belge francophone’ van Barnard, Dirkx & Lambersy (Atlas 2005)
leçon française: baudot & taubira
2 september 2012
“Vous entrez dans une profession où l’on vous demandera d’avoir du caractère mais où l’on entend seulement par là que vous soyez impitoyables aux misérables. Lâches envers leurs supérieurs, intransigeants envers leurs inférieurs, telle est l’ordinaire conduite des hommes”.